<back>

Three times Psalm 42 in French (with their original melodies) in chronological order:

transcription: J.-M. Noailly (Le psautier des églises réformées au xvie siècle) - https://chretienssocietes.revues.org/2728#text

 

1546: Claude Le Maistre (text) - 1555: Philibert Jambe-de-Fer (tune)

Quemadmodum desiderat cervus.

Les enfans de Korah qui congnoissoient le vouloir de David [sic pour Dieu] feirent ce Pseaume lors que David avoit esté deschassé de son Royaume par Absalon son filz, auquel il se plaint d’estre privé de la compaignie des Saincts ; & demande d’estre restitué en son entier.

http://chretienssocietes.revues.org/docannexe/image/2728/img-11.jpg

Comme le Cerf longuement pourchassé
Quelque ruisseau desire pour retraite :
Ainsi pour vray le mien Esprit lassé
Aller à toy (ô Seigneur Dieu) souhaite.
    Aussi mon ame a esté alterée
De la vive eau, qui est toy, Dieu puissant :
Las quand viendra celle heure bien heurée
Que te verray au ciel resplandissant ?

De mes deux yeux les larmes doloreuses
En lieu de pain m’ont servy nuict & jour,
Quand des mocqueurs les langues outrageuses
Me demandoient : Ou fait ton dieu sejour ? [...]
    Mon ame en soy respond quelle est troublée
De ses desirs. Parquoy ne souviendra
Du mont Hermon, aussi de l’assemblée
Des eaux Jourdain jusques le temps viendra.

Qu’à haute de ces cataracteres
Que lon verra en ton corps haut pendu
De ta pitié l’ abysme des miseres
Appellera l’ abysme confondu.
    Las, tes Ruisseaux, & gros fleuves puissans,
Petis travaulx, & peines sans mesure,
En leur fureur terrible fremissans
On[t] tous passé sur moy ta creature.

Le jour Dieu veult que sa misericorde
Lon recongnoisse, & qu’on luy soit servant,
Et que la nuict nostre langue s’accorde
Mettre à son loz cantiques en avant. [...]
    Mais pourquoy donc m’as-tu mis en oubly,
Dont en ce point travaillé je chemine,
Quand l’adversaire en tout mal accomply
Fait son effort à fin qu’il me domine ?

Quand à telz gens je ne puis resister,
Et que mes os dessoubz le faiz se ployent
Leur grand orgueil ne se veut desiste[r],
Ains contre moy leurs reproches employent.
    En me disant tousjours par mocquerie,
Ou est ton Di[e]u, en qui tu as espoir ?
Certainement ou sa force est perie,
Ou de t’ayder il n’a aucun vouloir.

C’est pour celà que mon ame est troublée,
Et qui me rend ainsi triste & dolent :
Voire & pourquoy ma peine est redoublée,
Et mon esprit assoupy, foible & lent.
    Mais, ô mon ame, en ton affliction
Espere en Dieu, & te tiens asseurée,
Que luy feray encor[e] confession,
Qui à jamais aura ferme durée.

[Source : Les Cent Cinquante Pseaumes du Royal Prophete David Traduits en rithme Françoyse par CI. Marot, M Jan Poitevin, M. Seve Lyonnais, & autres. Mis en Musique par Philibert Jambe de Fer. - Lyon, Michel du Boys, 1555 - text predates this edition and was often published together with Marots' 50Pss]

 

 

1549: Gilles d’Aurigny (text) - Didier Lupi second (tune)

Quemadmodum desiderat cervus ad fontes

http://chretienssocietes.revues.org/docannexe/image/2728/img-10.jpg

Oncques le cerf errant par monts & vaulx,
Ne desira tant les courans ruisseaux,
Ne soubhaita les fontaines d’eau claire,
Pour sa grand soif estaindre & se refaire,
Comme mon ame en son travail souspire,
Pour parvenir à toy, souverain Sire.

D’ardent desir & d’alteration,
Mon ame brusle ayant affection,
De raffreschir sa volunté naysve
En toy (ô Dieu fonteine claire, & vive),
Las je te pry dy moy quand donc sera-ce,
Qu’apparoistray devant ta sainte face ? [...]

Je considere & pense longuement,
Tous leurs propos en mon entendement,
Dont je respands (pour l’ ennuy qui me touche)
Larmes des yeulx, & souspirs de la bouche.
Puis dis ainsi, quand vivray-je en liesse,
En la maison du Dieu plein de richesse ?

Mais que fais-tu ame de peu de foy ?
Pourquoy es-tu affligée ? pourquoy
Me rends-tu triste & plain de faicherye ?
Espere en Dieu, ne le fuy, je te prye,
Car quelque jour me mettra hors d’esclandre,
Puis mettray peine à louenge luy rendre.

Mon ame en moy se tourmente (ô mon Dieu)
Et ne la puis consoler en ce lieu,
Qu’en contemplant la grace qui fut veue,
Depuis Jourdain (fleuve en grande estendue)
Jusqu’à Hermon montaigne tresexquise,
Donnant la terre à noz peres promise.

Lors un abisme aultre abisme invitoit,
Pour submerger du tout ce qui restoit
Des ennemis, & tes escluses fortes,
Faisoyent grands bruyts & sons d’estranges sortes,
Pour les noyer, & bien tost deborderent,
Vagues & flotz à mes costéz passerent.

Dieu fait en nous sa bonté apparoir,
Et nous en fait experience veoir,
Voulant qu’ayons tousjours memoire d’elle :
Parquoy combien que mon mal renouvelle,
Toutes les nuits, sans que mon vouloir change,
Du Dieu vivant chanteray la louenge.

Et en mon chant diray, O Dieu trescher,
Puis que tu es ma force & mon rocher,
Pourquoy m’as tu mis en oubly si viste ?
Pourquoy fais-tu que je chemine triste,
Lorsqu’ennemis m’affligent & desprisent,
Et au tourment mes os rompent & brisent ?

Ne me chauldroit quand ilz me donneroyent
Tous les tourmens qu’inventer ilz pourroyent :
Mais quand ainsi ilz me disent sans cesse,
Où est ton Dieu ? Ilz me font plus d’oppresse,
Que s’ilz avoyent ma poictrine frappée
Tout au travers d’une trenchante espée.

Pourquoy mon ame endure-tu tourment,
Et me rends triste ? Espere seulement
Au Seigneur Dieu : car dedans peu d’espace
Mon mal fauldra, & me fera la grace,
Que luy rendray mercys en sa presence :
Ainsi j’espere avec ferme fiance.

[Source : Tenor taken from Psalmes trente du royal prophete David, traduictz en vers francois par Giles Daurigny, dict le Pamphile, & mis en musique à quatre parties par D. Lupi Second. Cantus. Tenor [Altus. Basis. - Lyon, Godefroy & Marcellin Beringen, 1549]

 

 

1551 Théodore de Bèze (text) - Loys Bourgeois (tune)

Le Prophete empesché par ses ennemis d’estre en l’assemblée du peuple sainct, en faict une grande complaite : & proteste qu’il y est de cœur, encores qu’il soit absent de corps : declare ses calamitez : s’asseure & console soy mesme en la bonté de Dieu. Pseaume pour ceux que les infideles empeschent de se trouver en l’Eglise.

http://chretienssocietes.revues.org/docannexe/image/2728/img-12.jpg

Ainsi qu’on oit le cerf bruire,
Pourchassant le frais des eaux,
Ainsi mon cœur qui souspire,
Seigneur, apres tes ruisseaux,
Va tousjours criant, suivant
Le grand, le grand Dieu vivant.
Helas donques, quand sera-ce,
Que verray de Dieu la face ?

Jours & nuicts pour ma viande
De pleurs me vay soustenant,
Quand je voy qu’on me demande,
Où est ton Dieu maintenant ?
Je fon en me souvenant,
Qu’en troupe j’alloy’ menant,
Priant, chantant, grosse bande
Faire au temple son offrande.

D’où vient que t’esbahis ores,
Mon ame, & fremis d’esmoy ?
Espere en Dieu : car encores
Sera-il chanté de moy :
Quand d’un regard seulement
Il guerira mon tourment.
Las ! mon Dieu, je sen mon ame
Qui de grand desir se pasme.

Car j’ay de toy souvenance
Depuis outre le Jourdain,
Et la froide demeurance
De Hermon pays hautain,
Et de Misar autre mont.
Un gouffre l’autre semond,
Lors que tonnent sur ma teste
Les torrens de la tempeste.

Tous les grands flots de ton onde
Par dessus moy ont passé :
Mais sur un poinct je me fonde,
Que n’estant plus courroucé,
De jour tes biens m’envoyras,
De nuict chanter me feras,
Priant d’une ame ravie,
Toy seul autheur de ma vie.

Je diray, Dieu ma puissance,
D’où vient qu’en oubli suis mis ?
Pourquoy vi-je en desplaisance,
Pressé de mes ennemis ?
Je sens leurs meschans propos
Me navrer jusques aux os,
Quand ils disent a toute heure,
Où fait ton Dieu sa demeure ?

D’où vient que t’esbahis ores,
Mon ame, & fremis d’esmoy ?
Espere en Dieu, car encores
Sera-t-il loué de moy,
D’autant qu’il est le Sauveur
Me presentant sa faveur.
Bref, pour conclure, mon ame,
C’est le Dieu que je reclame.

[Source : Pseaumes de David, mis en rime Francoise par Clement Marot, & Theodore de Beze. - Paris, Adrian Le Roy & Robert Ballard, 1562]